Ecologia sulidaria exprime sa vive opposition à ce projet. L’avis du Conseil national de protection de la nature devrait à lui seul justifier l’abandon du site.L’ensemble des problèmes urbanistiques, environnementaux, économiques et financiers nous conduit à demander l’abandon pur et simple de ce projet néfaste pour la Corse et ses habitants.

1) Sur le principe et le dimensionnement de l’installation envisagée

Au vu des éléments dont nous disposons sur les tonnages entrants prévus à Monte, nous constatons, avec 60 000 tonnes d’OM brutes sur 97 000 tonnes, qu’il s’agit bien d’une installation de Tri mécano biologique (TMB), et non d’un Centre de « surtri » comme annoncé.Non seulement les prévisions ne respectent pas les objectifs de tri de la Directive européenne (55% de réemploi / recyclage des déchets municipaux en 2025, 60 % en 2030, puis 65% en 2035), mais la Loi de transition énergétique est parfaitement claire sur la pertinence de la création de centres de TMB.
« La généralisation du tri à la source des biodéchets, en orientant ces déchets vers des filières de valorisation matière de qualité, rend non pertinente la création de nouvelles installations de tri mécano-biologique d’ordures ménagères résiduelles n’ayant pas fait l’objet d’un tri à la source des biodéchets, qui doit donc être évitée et ne fait, en conséquence, plus l’objet d’aides des pouvoirs publics. (LTECV, Article 70).
La Loi précise bien que l’Etat et les collectivités ne peuvent plus les subventionner. Par ailleurs, le tri à la source des biodéchets a été rendu obligatoire tant par la Loi de transition énergétique du 17 août 2015 que par la Directive européenne du 14 juin 2018, dans les termes ci-dessous, particulièrement explicites.
« Les États membres veillent à ce qu’au plus tard le 31 décembre 2023 […], les biodéchets soient soit triés et recyclés à la source, soit collectés séparément et non mélangés avec d’autres types de déchets” (Article 22 de la Directive européenne).

Où en sommes-nous en Corse ?

A 4 000 tonnes de biodéchets écartés (données Syvadec 2023), alors que le gisement directement captable (et non théorique) dépasse 40 000 tonnes ! Un retard considérable et désastreux, qui s’explique sans doute par la puissance des transporteurs et maintenant des opérateurs prévus pour ces TMB, qui pèsent de tout leur poids dans la gestion corse des déchets.
Nous constatons également l’absence de la Collectivité de Corse dans le montage financier : faut-il y voir une conséquence des conditions posées en début de projet par l’Exécutif pour faire respecter la Loi sur le tri des biodéchets et poser le problème de la très faible implication de certaines intercommunalités dans un vrai tri à la source, les performances de tri variant de 28 à 58 % ?
Le ralliement tardif de la CDC mise devant le fait accompli par le Syvadec (et le Préfet) et restant sous pression d’opérateurs puissants révèle sa propre impuissance à faire appliquer les premiers Plans de gestion (2015 et 2018) que l’Assemblée de Corse a votés. Cette « abdication » nous interroge vivement.

2) Sur le respect des textes d’urbanisme

– Le terrain prévu pour la construction (Parcelle 770) est classé en Espace naturel, donc inconstructible.
– La Carte communale de Monte en date du 21 avril 2011 précise « qu’aucune construction n’est autorisée en dehors des hameaux existants ». Le PC n’est donc pas conforme.
– La parcelle 770 est un ESA – espace stratégique agricole au titre du Padduc, et donc inconstructible. Il s’agit là de terres alluvionnaires d’une rare richesse, qu’il faut à tout prix préserver pour l’avenir en contribution à l’autonomie alimentaire de notre île. Les compensations proposées à la perte nette de 5ha par artificialisation ne répondent pas aux exigences du Padduc (pente, qualité, etc).
– Le Centre de tri ne correspond pas aux critères d’exception prévus au Padduc (qui ne concerne que les ISDND).

3) Sur le volet environnemental

Nous nous référons à l’Avis du Conseil national de la protection de la nature, qui relève la présence de nombreuses espèces protégées, dont certaines rares et/ou en danger d’extinction. Les surfaces des milieux occupés par ces espèces seraient irrémédiablement détruites, or on sait depuis longtemps que le maintien de l’habitat est la condition sine qua non de la préservation des espèces fragiles. En l’occurrence, le choix de ce site serait une atteinte irréversible et le Conseil relève l’absence surprenante de propositions alternatives moins impactantes par le Syvadec. Ce PC est en complète contradiction avec la politique de protection indispensable face à l’effondrement de la biodiversité à laquelle nous assistons en Corse plus qu’ailleurs, en raison de l’artificialisation continue par les constructions nouvelles.
Le bétonnage de 5 ha supplémentaire n’est pas acceptable.

4) Sur le volet économique

Nous sommes toujours dans l’attente des plateformes de compostage en proximité des gisements, et d’un tri efficace à la source. Les performances de la Corse sont très mauvaises, bien en deçà de celles de zones similaires en Italie ou Sardaigne (plus de 80 %). Les coûts annoncés par le Syvadec en construction et fonctionnement vont impacter très fortement la facture pour les usagers, ce que le Syvadec ne nie pas, sans pouvoir donner in fine une visibilité pour l’impact réel. Sachant qu’en tant que contribuables, nous payons aussi la subvention donnée : c’est donc une double « participation » qui est appliquée aux usagers. La mobilisation de tels montants empêchera aussi le financement des installations de proximité dont nous avons besoin d’urgence.
Par ailleurs, l’objectif affiché du CTV est la fabrication de CSR à brûler dans des incinérateurs qui restent à localiser et financer. La combustion des déchets de plastique entraine des pollutions majeures qui atteindraient notre santé et l’environnement, et s’ajouteraient aux pollutions existantes déjà très importantes (Vazziu, Ricantu, Lucciana, ports). Nous refusons la combustion dangereuse de ces CSR, sachant que rien n’est indiqué en matière d’orientation des résidus de combustion, extrêmement toxiques (mâchefers et Refiom).
Ce projet impliquant l’incinération des CSR ne devrait en aucun cas être dissocié des enquêtes publiques sur les éventuels incinérateurs.Enfin, ce projet renforce la puissance d’opérateurs déjà omniprésents dans ce secteur hyper sensible, avec la mise en place d’un monopole complet sur le traitement des déchets et un risque élevé de dérives dans ce secteur sensible.

5) Sur la sécurité des installations

Nous notons que l’une des entreprises bénéficiaires du marché a été « victime » récurrente de 3 feux gravissimes au sein de ses installations, entraînant des pollutions importantes, sans qu’aucune explication n’ait été donnée à aucun moment. Cette « fragilité » des opérateurs retenus nous inquiète particulièrement en termes de sécurité pour les villages alentour.