Collecter, transporter, enfouir les déchets rapporte près de 150 millions d’euros/an à des opérateurs privés en situation de monopole. Le marché est juteux ! Aujourd’hui, pour garder la main mise sur les profits, ils font pression sur le Syvadec et la Collectivité pour créer des installations hors de prix dont le coût de fonctionnement reposera sur les citoyens. En Corse, la taxe d’ordure ménagère s’élève en moyenne déjà à 295 euros, soit deux fois plus que la moyenne française. Avec la construction du centre de surtri de Monte, elle ne baissera pas, elle augmentera assurément.
Or il est possible de traiter les déchets à moindre coût, en s’orientant vers une gestion publique garante de l’intérêt collectif. Il faut simplement mieux trier.
- Déchets organiques : 25 %
- Papiers : 10 %
- Cartons : 15 %
- Plastiques : 12 %
- Verre : 14 %
- Métal : 4 %
- Textile : 4 %
- Restent…moins de 20 % non recyclables
Le tri à la source : une décision politique
En Sardaigne, en Vénétie, en Lombardie, dans le Trentin, en Slovénie, le taux de tri à la source des déchets est partout supérieur à 70 % et le plus souvent voisin des 80 %. En Corse, nous peinons à atteindre les 38 % à peine la moitié ! Corsi o mezi corsi ?
Le constat est en effet désastreux : seulement 4 000 tonnes de biodéchets collectés sur 40 000 tonnes, encore 70% de matières recyclables dans nos poubelles, 170 000 tonnes/ an de déchets à transporter et stocker – il y en aurait moins de 60 000 tonnes si le tri en Corse était aussi efficace que dans les régions italiennes précitées.
Les fortes disparités, cependant, interrogent : 26 % pour l’Ornanu, 33 % seulement pour Aiacciu, mais 58 % pour Calvi-Balagna. Preuve que les bonnes performances sont corrélées à des choix politiques, l’intercommunalité de Calvi-Balagna a mis en place le ramassage au porte-à-porte, le seul qui nous permettra d’atteindre des taux dont nous n’aurons pas à rougir.
Rappelons par ailleurs que la France a prévu d’atteindre un taux de tri de 65 % en 2025 (Loi AGEC). En Corse, nous en sommes bien loin !
Pour en sortir, nous devons généraliser sur tout le territoire
- La collecte des biodéchets qui représentent un quart de nos poubelles. Aujourd’hui les composteurs individuels distribués par le Syvadec, peu performants, sont souvent abandonnés. Organiser la collecte en ville pour un compostage en plateforme ou sur des installations industrielles simples, avec les déchets verts.
- Le ramassage au porte-à-porte des différentes poubelles partout où c’est possible.
- La simplification du geste de tri par regroupement en un seul flux des papiers/emballages/cartons
- Le traitement des déchets ultimes à proximité (moins de 20 % de nos ordures ménagères) pour diminuer drastiquement les transports et l’enfouissement du vrac.
- Le recyclage et la réutilisation sur place: broyer le verre pour le BTP, faire des billes de plastique…
Et produire moins de déchets : remise en marche des fontaines, diminution des emballages, consigne des bouteilles.
Or aujourd’hui, de trop nombreuses communes proposent encore aux habitants d’apporter leurs ordures ménagères dans des conteneurs souvent éloignés, peu pratiques et qui souvent débordent. Résultat : pour beaucoup, le découragement ou le refus du geste de tri. Nous déplorons également l’absence de proposition pour le traitement des biodéchets, le peu d’intérêt porté aux cartons qui représentent pourtant près de 15% de ce que nous jetons avec l’explosion des commandes sur internet. Quant aux coûts de collecte et de traitement largement supérieurs aux moyennes françaises et italiennes, ils sont tout simplement inacceptables !
Le « Plan Déchets » de la Collectivité : une quadruple impasse
Malgré l’affichage de bonnes intentions quant au tri (en simple conformité avec les exigences de la loi), le plan préconise la mise en place de centres de tri mécano-biologique (TMB) et l’incinération des déchets résiduels. En se basant sur des chiffres inexacts, mélangeant les déchets ménagers, les déchets inertes, ceux du BTP, il privilégie le système le moins performant, le plus coûteux, le plus polluant. Le pire.
- Trier des ordures en vrac est une aberration !
Les biodéchets issus du tri mécanique, après avoir été mélangés dans nos poubelles ne feront jamais un compost correct : il faudra les enfouir après séparation – leur utilisation agricole sera d’ailleurs interdite en 2027. Les TMB écartent les plus gros déchets, bien sûr, mais nous le faisons encore mieux nous-mêmes, et gratuitement ! C’est d’ailleurs la loi !
- Un projet ruineux pour les Corses
Les usines de TMB sont essentiellement destinées à fabriquer en grande quantité des CSR (Combustibles solides de récupération) : à savoir des morceaux de plastiques, de carton, destinés à être brûlés dans des chaudières. Or « fabriquer » des CSR coûte très cher et les brûler encore plus ! Ces coûts viendront s’ajouter à ceux du tri à la source qui reste une obligation légale.
60 millions d’euros supplémentaires à payer par les les contribuables pour la préparation et l’incinération de 150 000 tonnes de CSR par an.
- Brûler des déchets, c’est dangereux pour la santé et l’environnement
Les émanations toxiques (brome, furanes, chlore, dioxines, polluants organiques persistants) émises par le brûlage de plastique ne sont pas toutes filtrées. Elles mettent en danger la santé des riverains. Qui acceptera un incinérateur à sa porte ?
- Les résidus issus de la combustion sont également toxiques. Concentrés de molécules dangereuses, appelés mâchefers (20 à 25% des déchets brûlés), ils doivent être lavés à grande eau et ne peuvent être réutilisés qu’en sous-couche routière profonde, loin des ruisseaux, rivières, nappes : autant dire que c’est impossible en Corse : il faudra donc… les enfouir !
Quant aux résidus de filtrage des fumées, les REFIOM, hyper toxiques, il faut les stocker définitivement dans des décharges « sécurisées ». Qui acceptera ? Où ?
Les usines de Monte et Sarrola : des projets inutiles, pire, illégaux
Avant même le vote du plan déchets, le Syvadec décide de construire deux centres de tri mécano-biologique (TMB) / incinération, qui ne respectent pas les objectifs légaux de tri à la source ; avec le soutien financier de l’Etat alors que la loi interdit leur financement sur fonds publics.
L’article 70 de la Loi de transition énergétique pour la croissance verte est pourtant très clair : « La généralisation du tri à la source des biodéchets, en orientant ces déchets vers des filières de valorisation matière de qualité, rend non pertinente la création de nouvelles installations de tri mécano-biologique d’ordures ménagères résiduelles n’ayant pas fait l’objet d’un tri à la source des biodéchets, qui doit donc être évitée et ne fait, en conséquence, plus l’objet d’aides des pouvoirs publics ».
Les projets de Monte et Sarrola affichent un coût de 268 millions d’euros par centre (investissement et fonctionnement sur 10 ans) à quoi s’ajoute la construction des 2 inciateurs estimée à 119 millions par le Plan. Qui profitera de ces investissements ?
Les risques de dérive mafieuse
La Direction générale de la Police nationale relevait en 2022 l’intervention de la mafia corse dans le domaine des déchets (rapport du Sirasco) ; la création de méga usines de TMB et incinération est un pactole qui n’échappera pas aux dérives, l’Etat le sait…et il finance quand même…