Depuis 15 ans et le refus unanime de l’incinération des déchets en raison de ses graves dangers, la Corse cherche toujours une voie pour sortir des crises à répétition. Aujourd’hui, alors que nos voisins italiens atteignent des taux de tri dépassant les 75 %, la Corse peine à trier 38% de ses déchets.

Le Plan déchets de la Collectivité, mis en enquête publique, n’apporte aucune réponse satisfaisante, et capitule devant le Syvadec, qui, avant même le vote du Plan, nous engage dans le surtri / incinération, avec des usines XXL, polluantes, inutiles et particulièrement coûteuses pour le contribuable.

 

1- AUTOUR DE NOUS, DES TAUX DE TRI REMARQUABLES

  • SARDEGNA : 75 %
  • TRENTIN : 77 %
  • VENEZIE : 76 %
  • LOMBARDIA : 73 %
  • SLOVENIA : Près de 75 %

Des performances obtenues grâce à des systèmes de tri adaptés, notamment le tri des biodéchets à la source. Nous pensons qu’il est encore temps de s’engager dans une autre voie, celle d’un traitement sain des déchets, tel qu’il est exigé par la Loi et les Directives européennes.

 

2- EN CORSE, UN CONSTAT ACCABLANT

  • 4 000 tonnes de biodéchets collectés sur 40 000 tonnes
  • 70% de matières recyclables encore dans nos poubelles (données Syvadec) !
  • 170 000 tonnes/an de déchets à transporter et stocker à 60 000 tonnes si le tri en Corse était aussi efficace que dans ces régions d’Italie
  • 295 euros/habitant/an : le coût des ordures ménagères en Corse, plus de 2 fois la moyenne française !

Pourquoi un tel écart ? Pourquoi sommes-nous à la traîne tout en payant plus cher ?

  • Un tri particulièrement mal organisé : l’apport volontaire dans des conteneurs souvent éloignés, peu accessibles – on rentre les bouteilles une par une, les journaux un par un ! Des conteneurs qui souvent débordent ; et des systèmes qui varient au gré du temps…Résultat : pour beaucoup, le découragement ou le refus du geste de tri.
  • L’absence de solution pour les biodéchets : des composteurs individuels peu performants, souvent abandonnés rapidement ; et pas de collecte en ville, sauf rares exceptions ; pourtant, les déchets organiques, c’est près d’un quart de notre poubelle !
  • Pas de collecte des cartons, qui représentent pourtant près de 15% des déchets avec l’explosion des commandes sur internet
  • Des collectes de tri trop coûteuses, aléatoires et des coûts de traitement bien supérieurs à la moyenne ßançaise ou italienne
  • Et surtout la mauvaise volonté de la plupart des intercommunalités qui continuent de mettre les déchets « sous le tapis », tant que les centres d’enfouissement les acceptent !

Pourtant, même en Corse, on sait faire beaucoup mieux ! La Communauté de Calvi/Balagne, qui a mis partiellement en place le tri au porte à porte et collecte les biodéchets parvient à la meilleure performance de Corse : 58% de tri, dont 39 % en papier / verre / emballages (contre 11% à Aiacciu !!) : c’est donc possible !

MAIS AUSSI, LES ENJEUX FINANCIERS COLOSSAUX DU MARCHE DES DECHETS, PARTICULIEREMENT JUTEUX A TOUS LES NIVEAUX : COLLECTE, TRANSPORT, ENFOUISSEMENT RAPPORTENT PRES DE 150 MILLIONS D’EUROS PAR AN A DES OPERATEURS PRIVES EN SITUATION DE MONOPOLE.

 

3- « PLAN DÉCHETS » DE LA COLLECTIVITÉ, LE RENONCEMENT

Des chiffres de base aléatoires (le document lui-même reconnait dans son diagnostic que les chiffres ne sont pas connus et pas fiables) qui, en partant d’un tonnage dépassant le million de tonnes annuel, confondant tous types de déchets – ménagers, du bâtiment, inertes, dangereux – conduisent à des tonnages résiduels considérables : ce qui permet de justifier les systèmes les moins performants, les plus coûteux, les plus polluants : le Tri mécano-biologique (TMB) et l’incinération des déchets résiduels.

Exemple : le chiffre de gisement retenu pour le BTP est de 655 000 t par an, alors que ces déchets étaient évalués à 250 000 t en 2017.

Mais la Loi ne permet pas de grouper les différents types de déchets – vous ne traitez pas des gravats comme du plastique !

Et le taux de tri après calcul ne parviendrait pas à l’objectif de 65% de la Loi, ne dépassant pas 45 %. Les scénarios proposés pour les déchets résiduels (Page 143 et 152 dans le document d’avril 2022).

Quel que soit le « niveau d’ambition » affiché, le résultat est le suivant :

2 centres de tri et préparation de CSR, pour un montant de 112 M d’Euros, et une «chaufferie» centrale (autrement dit un incinérateur de plastiques et cartons) d’une capacité minimale de 128 000 t pouvant aller jusqu’à 155 000 t/an, pour un montant de 119 M d’€. Un investissement de 231 M d’€ au total, avec un coût de traitement annoncé à la tonne qui varie de 300 à 450 € (ce qui n’est pas tout à fait la même chose), hors collecte, transports, enfouissement des résiduels et traitement des Refiom. La ruine pour les contribuables, banco pour les opérateurs.

Le Plan reconnaît pourtant qu’il reste 70 % de recyclables dans la poubelle grise (actuellement 170 000 t enfouis) ce qui porte le tonnage de DMA à traiter in fine à 50 000 t par an (30 % de 170 000 t), qu’on pourrait sur trier pour en extraire encore 30 %, les neutraliser, et enfouir le résidu, soit 35 000 t par an (à ajouter, les DAE résiduels, déjà neutres par essence).

Le Plan ne traite pas des dangers liés au brûlage, ne dit pas où seraient enfouis les 25 % de mâchefers toxiques issus de la combustion, ni les 5 % de REFIOM issus du filtrage. Et reconnait qu’il n’y a aucune garantie sur l’utilisation de la production de chaleur (annexe 8 du Plan).

En transformant des déchets non dangereux en déchets toxiques, l’incinération reste plus que jamais inacceptable pour notre santé et notre environnement.

L’argument d’une « obligation légale » de brûlage ne s’applique que si la valorisation matière est insuffisante ; or un tri à la source efficace permet d’atteindre des objectifs de valorisation « matière » qui évitent de brûler les résiduels, comme le font les régions voisines.

Un Plan qui tourne le dos aux fondamentaux des nationalistes, opposés à l’incinération et attachés depuis toujours à une saine gestion des déchets. UN PLAN INUTILE, PUISQUE LE SYVADEC ET L’ÉTAT ONT DEJA PRIS LA MAIN !

 

4- LA MAINMISE DU SYVADEC : DES DÉCISIONS ENTERINÉES PAR L’EXÉCUTIF

Avant même le vote du Plan, le Syvadec a lancé et attribué des marchés pour 2 méga usines de TMB, une à Monte, l’autre à Sarrola. Des installations de Tri mécano biologique sur ordures brutes, puisque ce sont bien 60 000 tonnes non triées au moins qui entreraient chaque année dans chaque installation.

Pourquoi les centres de tri mécanique sur les ordures en vrac sont-ils une impasse ?

Les biodéchets issus du tri mécanique, après avoir été mélangés dans nos poubelles ne feront jamais un compost correct : il faudra les enfouir après séparation – leur utilisation agricole sera d’ailleurs interdite en 2027, l’année où les usines seront mises en service ! Autant dire que ces usines brûleront des ordures en vrac. Les usines de TMB sont essentiellement destinées à fabriquer en grande quantité des CSR (Combustibles solides de récupération) : des morceaux de plastiques et cartons, qu’il faudra ensuite brûler dans des chaudières. La fabrication des CSR coûte extrêmement cher, le brûlage encore plus : ce coût s’ajoutera à celui du tri à la source, qui est une obligation : nous paierons 2 fois !

Le coût de ces usines s’élève à 68 M en investissement, plus 20 millions en fonctionnement chaque année, révisable au bon vouloir de l’exploitant.

Soit 2 fois 268 millions d’€ : un pactole pour les opérateurs locaux.

Plus les chaudières d’incinération, évaluées par le Plan à 119 Millions d’€.

 

5- L’ÉTAT HORS LA LOI

L’État, au plus haut niveau, lassé des crises à répétition, et conscient des réticences des intercommunalités à mettre en place de vrais plans de tri, entérine les décisions du Syvadec et finance à hauteur de 90 M d’€. Pourtant la Loi de transition énergétique de 2015 est particulièrement claire, dans son article 70 :

« La généralisation du tri à la source des biodéchets, en orientant ces déchets vers des filières de valorisation matière de qualité, rend non pertinente la création de nouvelles installations de tri mécano- biologique d’ordures ménagères résiduelles n’ayant pas fait l’objet d’un tri à la source des biodéchets, qui doit donc être évitée et ne fait, en conséquence, plus l’objet d’aides des pouvoirs publics. »

Par ailleurs, le tri à la source des biodéchets a été rendu obligatoire tant par la Loi de transition énergétique du 17 août 2015 que par la Directive européenne du 14 juin 2018, dans les termes ci-dessous, particulièrement explicites.

« Les États membres veillent à ce qu’au plus tard le 31 décembre 2023 […], les biodéchets soient soit triés et recyclés à la source, soit collectés séparément et non mélangés avec d’autres types de déchets » (Article 22 de la Directive européenne).

Comment le Préfet peut-il passer outre ?

Connaissant bien qui plus est, le risque de mainmise de la mafia sur ce pactole.

Le Préfet ne peut ignorer les alertes de la Direction centrale de la Police judiciaire (Note du SIRASCO 2022) sur les dérives mafieuses dans le secteur des déchets.

FACE A CES DECISIONS INACCEPTABLES, PEUT-ON TROUVER UNE AUTRE VOIE ?

OUI, A L’IMAGE DES REGIONS QUI NOUS ENTOURENT ET DOIVENT NOUS SERVIR DE MODELE

Bien sûr, enfouir en vrac comme aujourd’hui, au détriment des populations proches des centres de stockage de Vighjaneddu et du Fium’orbu, c’est inadmissible et insupportable

Il n’y a pas d’autre solution pour diminuer la quantité de déchets que le tri à la source, s’il est simple à faire – pas comme aujourd’hui !

  • Optimiser les collectes en passant au porte à porte partout où c’est possible pour augmenter le taux de tri, qui doit atteindre 65 % en 2025 (Loi AGEC)
  • Traiter en priorité les biodéchets par compostage en plateforme ou installations industrielles simples, avec les déchets verts – c’est la Loi. On attend un vrai Plan d’actions spécifique aux biodéchets.
  • Traiter à proximité pour diminuer drastiquement les transports de déchets et l’enfouissement en vrac, inacceptables.
  • Simplifier le geste de tri par regroupement en un seul flux des papiers/emballages/cartons.
  • Recycler sur place : broyer le verre pour le BTP, faire des billes de
  • Développer la prévention (fontaines, diminution des plastiques, consigne des bouteilles, etc).

Nous demandons un Plan d’action immédiat pour organiser efficacement le tri à la source, notamment la collecte des biodéchets.

Et bien évidemment le retrait des projets de Monte et Sarrola, et la réorientation des financements d’Etat vers le soutien à la collecte, les installations de compostage et réutilisation/recyclage.

EXIGER LE MEILLEUR POUR NOTRE ÎLE, C’EST ENCORE POSSIBLE, MALGRÉ LES PRESSIONS MAFIEUSES, MALGRÉ L’OPACITÉ, MALGRÉ « L’URGENCE » AFFICHÉE COMME PRÉTEXTE AUX INVESTISSEMENTS RUINEUX ET DANGEREUX POUR LES CORSES.

ECOLOGIA SULIDARIA entend apporter sa contribution à la recherche d’une autre voie, en présentant aujourd’hui un document et un spot destinés à informer sur les risques des projets prévus et sur les alternatives.

Nous appelons les Corses à interpeler leurs élus et à refuser les solutions dangereuses pour notre avenir.